8.4 Sédentarité, surcharge pondérale et troubles musculo-squelettiques

À moins qu’il ne s’agisse de jeux sportifs ou de jeux de réalité virtuelle incluant des mouvements, consommer des médias numériques assis ou couché présente différents risques pour la santé inhérents à la sédentarité: surcharge pondérale et obésité, maladies cardiovasculaires et problèmes psychiques (Tremblay et al., 2011). La corrélation entre consommation médiatique et surcharge pondérale ou obésité a déjà fait l’objet d’un grand nombre d’études, l’obésité étant l’une des conséquences les mieux attestées de l’utilisation d’écrans (Robinson et al., 2017). Les rapports décrivent plusieurs mécanismes qui expliquent le lien entre consommation médiatique et surcharge pondérale ou obésité chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes: en premier lieu, l’utilisation de dispositifs électroniques se substitue à l’exercice physique; en deuxième lieu, l’apport calorique augmente en raison des aliments ingérés lors de cette utilisation; en troisième lieu, l’exposition à la publicité pour des aliments caloriques stimule leur consommation et, en quatrième lieu, la réduction des heures de sommeil altère l’équilibre des hormones de régulation de l’appétit, ce qui peut entraîner une hausse de la consommation d’aliments entre les repas et la nuit. La présence d’un téléviseur dans la chambre des enfants et des adolescents est aussi un facteur qui favorise la surcharge pondérale et l’obésité (Casiano, Kinley, Katz, Chartier & Sareen, 2012). Des études prouvent que les interventions aboutissant à une réduction de la consommation médiatique ont pour corollaire une diminution du poids (Hingle & Kunkel, 2012). La focalisation de nombreuses études sur la surcharge pondérale et l’obésité des enfants et des adolescents s’explique notamment par la forte augmentation de ce phénomène ces deux dernières décennies. On sait qu’une grande partie des enfants et des adolescents obèses le restent à l’âge adulte. Or, l’obésité augmente le risque d’hypertension artérielle, de maladies cardiovasculaires, de dyslipidémie, de diabète, de cholécystite et d’arthrite (voir le chapitre Maladies chroniques et handicaps) (Karaagac, 2015; Tremblay et al., 2011).

      Des études montrent que regarder la télévision représente un plus grand risque de surcharge pondérale et d’obésité qu’utiliser d’autres dispositifs. Les messages passant à la télévision, à savoir la publicité pour des boissons et aliments caloriques, sont l’une des explications avancées (Robinson et al., 2017), l’autre étant le lien constaté entre la sédentarité et la consommation d’aliments devant le téléviseur et entre les repas. Ces facteurs favorisent vraisemblablement la surcharge pondérale des enfants et des adolescents. En outre, la sédentarité est corrélée avec un niveau socioéconomique bas, un âge plus élevé, davantage d’autonomie des enfants et une attitude négative envers l’exercice physique (Barr-Anderson & Sisson, 2012).

Le lien de causalité entre l’obésité et l’utilisation de dispositifs dotés d’un écran est considéré comme établi. La consommation médiatique peut par ailleurs aller de pair avec un manque d’exercice physique. Quant aux sollicitations excessives de certaines parties du corps dues à des mouvements répétitifs, elles sont en corrélation avec des troubles musculo-squelettiques.

     L’étude précédemment mentionnée de la ZHAW, menée sur les enfants de 4 à 6 ans, n’a certes pas constaté de lien entre le temps passé devant les écrans et le bien-être physique ou psychique des enfants, mais en a établi un entre le niveau de consommation médiatique et l’indice de masse corporelle (IMC, calculé sur la base de la taille et du poids), la corrélation étant toutefois faible (Bernath et al., 2020).

     Selon plusieurs études, la très grande majorité des enfants et des adolescents consacrent plus de deux heures par jour de leurs loisirs à des activités passives. Ce cons­tat est aussi valable pour la Suisse, comme le montrent les résultats d’une étude représentative: les jeunes y déclaraient passer une moyenne de 2,5 heures par jour sur Internet en semaine et de 4 heures le week-end (Suter et al., 2018a). Selon l’ESS de 2017, 18% des 15 à 25 ans passaient plus de deux heures par jour à regarder la télévision ou des vidéos, 6,5% à jouer à des jeux vidéo ou sur ordinateur et 22,5% à utiliser leur ordinateur à d’autres fins.

     Les résultats de l’étude HBSC (2019) montrent que les 11 à 15 ans qui passent beaucoup de temps sur des écrans à des fins récréatives les jours d’école font nettement moins d’exercice physique que les adolescents qui y consacrent peu de temps: parmi ceux qui passent au plus une demi-heure par jour d’école devant un écran, la moitié environ (50,7%) consacrent au moins 60 minutes par jour, cinq jours par semaine, à une activité physique. En comparaison, seulement 33,8% de ceux qui passent au moins quatre heures par jour devant un écran font de l’exercice.

     La comparaison de l’IMC de ces jeunes corrobore ces résultats: 6,7% des jeunes qui passent peu de temps devant un écran sont en surcharge pondérale et moins de 1% obèses, contre respectivement 15,8% et 1,0% de ceux qui y restent quatre heures ou plus par jour d’école.

     Une méta-analyse systématique englobant 232 études ayant porté sur 983 840 enfants et adolescents de 5 à 17 ans prouve l’existence d’une relation dose-effet entre la sédentarité et l’état de santé: le fait de passer plus de deux heures par jour devant la télévision nuit à la constitution corporelle, à la forme physique, à l’estime de soi, aux résultats scolaires et au comportement prosocial. Cette analyse a aussi montré que la réduction des heures d’inactivité permettait d’abaisser l’IMC. Toute réduction de la sédentarité a ainsi pour corollaire une diminution des risques pour la santé des jeunes et des adolescents (Tremblay et al., 2011).

      L’exercice et le sport jouent aussi un rôle en lien avec les troubles musculo-squelettiques, car ils contrebalancent l’inactivité due à une longue station assise. Des troubles se manifestant sous forme de douleurs et d’inflammations apparaissent avant tout lorsque certains muscles, tendons et ligaments sont sollicités outre mesure par des mouvements répétitifs et par de mauvaises postures (p. ex. Gustafsson, Johnson, Lindegård & Hagberg, 2011; Ming, Närhi & Siivola, 2004). Chez les adolescents, les parties du corps les plus éprouvées par l’utilisation de l’ordinateur sont la tête ainsi que la région de la nuque et des épaules (Hakala et al., 2012). Les maux de dos sont aussi fréquents (Suris et al., 2014). L’existence d’une relation dose-effet entre la durée d’utilisation et les symptômes a été prouvée par Harris et al. (2015) pour l’utilisation de l’ordinateur et par Gustafsson et al. (2017) pour la rédaction de textos sur le smartphone. Par ailleurs, l’aménagement du poste informatique et une posture correcte jouent un rôle important: comme le prouvent d’autres études, les enfants et les adolescents utilisent souvent des postes inadaptés à leur taille (Py Szeto et al., 2014). Des postes informatiques aménagés de façon ergonomique (Jacobs et al., 2013) ainsi qu’une posture adéquate pour utiliser le smartphone (position neutre de la tête, dos et avant-bras appuyés) peuvent prévenir ou réduire les troubles musculo-squelettiques (Gustafsson et al., 2011). Ces troubles semblent en outre aggravés par le manque de sommeil, souvent dû à l’utilisation fréquente et intense de l’ordinateur (voir la section sur le sommeil). L’analyse des données de l’étude JAMES de 2018 pour la Suisse parvient aux mêmes résultats: la durée de navigation sur Internet et d’utilisation du téléphone portable est corrélée avec des douleurs physiques tels que maux de tête, de nuque ou de dos. Toutes ces corrélations sont cependant très faibles (Bernath et al., 2020).