6.7 Maladies congénitales et handicaps

Troubles de la vision, déficience visuelle et cécité


Le trouble de la vision le plus répandu chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes est la myopie. En règle générale, il peut être bien traité par le port de lunettes ou de lentilles de contact, par une correction chirurgicale au laser ou par des implants et ne fait donc pas partie des déficiences visuelles. En Suisse, il n’existe pour le moment pas d’étude épidémiologique sur la prévalence de la myopie. Au niveau international, les données oscillent entre 11 et 49% des personnes âgées entre 6 et 29 ans (Logan et al., 2011; Rudnicka et al., 2010; Schuster et al., 2017; Villarreal et al., 2000; Williams et al., 2015). L’étude allemande KiGGs (2003–2006), qui documente une hausse des cas de myopie, montre une prévalence plus élevée chez les filles que chez les garçons (garçons: 2,4% des 3–6 ans, 20,5% des 14–17 ans; filles: 2,1% et 29,7%). Schuster et al. (2017) ont pu démontrer que, chez les 11–17 ans, la pratique d’un sport a un effet favorable sur la myopie. Ils n’ont relevé aucun lien entre la myopie et le statut social, l’origine migratoire ou le temps passé devant la télévision ou l’ordinateur.

     Les déficiences visuelles sont réparties sur cinq degrés en fonction de leur gravité dans la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10). La déficience visuelle la plus grave se caractérise par une acuité visuelle de 5% ou moins, mais de plus de 2%. Si l’acuité visuelle est inférieure à 2%, la personne est considérée comme aveugle.

La prévalence de la cécité et de la déficience visuelle chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes est inférieure à 1%.

     Une étude de l’Union centrale suisse pour le bien des aveugles réalisée en 2012 estime que 4,1% de la population, c’est-à-dire 325 000 personnes, vivent avec une déficience visuelle et qu’environ 10 000 d’entre elles sont aveugles (Spring, 2012). D’après cette étude, la prévalence chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes est inférieure à 1%: 0,3% chez les 0–4 ans et 0,7% chez les 20–24 ans. Une méta-analyse sur la prévalence globale de la cécité et de la déficience visuelle (Bourne et al., 2017) basant ses résultats sur la classification CIM-10 suggère que les prévalences spécifiques en fonction de l’âge des enfants et des adolescents en Suisse sont jusqu’à 50% plus basses que celles calculées par Spring et al (2012).

Surdité et déficience auditive


On parle de surdité lorsque la perception des bruits et des sons est inexistante ou minime. D’un point de vue clinique, il s’agit d’une perte auditive bilatérale de 40 dB ou plus. 40 dB correspondent plus ou moins aux bruits ambiants d’une zone résidentielle. Chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes concernés, on parle dans ce cas au minimum de déficience auditive modérée. En Suisse, un test de l’audition est réalisé sur presque tous les nouveau-nés depuis 1999 (Cao-Nguyen & Guyot, 2009). Les études épidémiologiques sur la surdité et la déficience auditive des enfants, des adolescents et des jeunes adultes sont cependant très peu nombreuses. La Fédération suisse des sourds estime qu’environ 10 000 personnes sont totalement sourdes en Suisse (SGB-FSS, 2019).

En Suisse, l’incidence d’une perte auditive bilatérale de 40 dB ou plus est de 170 pour 100 000 nouveau-nés.

     L’incidence d’une surdité bilatérale clinique est de 170 pour 100 000 nouveau-nés à l’échelle nationale, mais les différences régionales sont importantes (Cao-Nguyen & Guyot, 2009). À l’hôpital universitaire de Zurich, par exemple, l’incidence mesurée entre 2005 et 2010 était de 120–140 nouveau-nés présentant une surdité clinique pour 100 000 naissances (Metzger et al., 2013). La surdité peut également se manifester au cours de l’enfance ou s’aggraver par la suite. Parmi les causes, on compte notamment les inflammations récurrentes de l’oreille moyenne et l’exposition au bruit (voir le chapitre Santé physique et le développement).

Trisomie 21 (syndrome de Down)


La trisomie 21 est l’anomalie chromosomique la plus fréquente et la cause la plus répandue de retard mental chez l’être humain. L’espérance de vie des personnes trisomiques est de 50 ans. Environ 45% des personnes touchées souffrent de malformation cardiaque (Gillessen-Kaesbach & Hellenbroich, 2019). Entre 38 et 78% d’entre elles ont des problèmes d’ouïe. Le risque de développer d’autres maladies telles que le diabète, la leucémie, l’apnée du sommeil et l’arthrite juvénile rhumatoïde est, en outre, élevé (Roizen & Patterson, 2003).

     Pour la période 2008 à 2012, l’OFS (2014) a relevé en Suisse une prévalence de 90,8 cas pour 100 000 naissances vivantes (356 cas). Les données du registre EUROCAT du canton de Vaud indiquent une prévalence de 85 cas pour 100 000 naissances vivantes entre 1997 et 2016 (EUROCAT, 2018c). Alors que le nombre d’enfants nés vivants atteints de trisomie 21 ne fluctue que de manière ponctuelle, le nombre d’interruptions de grossesse dues à cette maladie a nettement augmenté entre 1997 et 2016 (graphique G6.4).

     Dans les autres régions européennes affiliées au registre EUROCAT, la prévalence pour la même période est de 100,5 cas pour 100 000 naissances vivantes (EUROCAT, 2018d).

En Suisse, environ 90 enfants sur 100 000 naissances vivantes sont atteints de trisomie 21. Le nombre d’interruptions de grossesse consécutives à un diagnostic de trisomie 21 a nettement augmenté entre 1997 et 2016.

Image
G6.4

Spina Bifida


Le spina bifida est l’expression d’une dysraphie spinale (défaut de fermeture du tube neural dans la zone de la colonne vertébrale) qui se produit au cours de la troisième ou quatrième semaine de gestation. Parmi les facteurs de risque d’une dysraphie spinale se trouvent l’âge avancé de la mère, le diabète, l’abus ou la dépendance à l’alcool ainsi que les carences en zinc et en acide folique. Le spina bifida occulta ne se repère généralement pas à la naissance d’un point de vue neurologique. Le spina bifida aperta s’accompagne de défaillances sensitives et motrices, notamment de troubles urinaires et colorectaux (Boltshauser et al., 2019), et peut se manifester par d’autres malformations de la colonne vertébrale et du cerveau (Boltshauser et al., 2019; Mitchell et al., 2004). Parallèlement à des interventions chirurgicales, le traitement comprend de la physiothérapie et de l’ergothérapie, et peut aussi inclure la fourniture de moyens auxiliaires pour améliorer la mobilité autonome (Boltshauser et al., 2019; Case-Smith & O’Brien, 2015).

     Les chiffres sur la prévalence de spina bifida ne concernent que la prévalence à la naissance. L’OFS indique, pour la période 2008–2012, 76 cas de spina bifida sur 392 147 naissances en Suisse, c’est-à-dire une prévalence de 19,4 cas pour 100 000 naissances vivantes (OFS, 2014). Dans le canton de Vaud, le seul canton suisse affilié au registre européen EUROCAT, la prévalence pour la période de 2007 à 2016 est de 8,6 cas pour 100 000 naissances vivantes, un chiffre inférieur à celui relevé dans les autres pays européens représentés dans le registre (16,2 pour 100 000 naissances vivantes) (EUROCAT, 2018a; EUROCAT, 2018b).

Dystrophies musculaires et amyotrophies musculaires spinales


Les dystrophies musculaires et les amyotrophies spinales font partie du groupe des maladies neuromusculaires (Hübner et al., 2013). Les dystrophies musculaires désignent un groupe hétérogène de maladies caractérisées par une faiblesse dégénérative des muscles (Hübner et al., 2013; Michaelis & Niemann, 2017). En cause sont des gènes défectueux qui entraînent une formation insuffisante de protéines de structure musculaire. La pose du diagnostic nécessite une biopsie musculaire ainsi que des tests génétiques et sanguins. Comme la faiblesse musculaire progresse, de nombreux enfants sont en chaise roulante à partir de neuf ans environ (Hübner et al., 2013; Michaelis & Niemann, 2017). Pour la forme la plus fréquente de la maladie, la dystrophie de Duchenne, l’espérance de vie ne dépasse pas les 30 ans (Yiu & Kornberg, 2015). La dégénérescence ne peut actuellement pas être ralentie de manière significative (Hübner et al., 2013), et la thérapie se limite à des mesures palliatives et de réadaptation.

     Les amyotrophies musculaires spinales (SMA) forment un groupe de maladies causées par la dégénérescence des cellules de la corne ventrale de la moelle épinière. La forme la plus grave, la SMA de type I, entraîne une insuffisance respiratoire et le décès de l’enfant au cours des deux premières années de vie. L’espérance de vie est de 25 ans pour la SMA de type II et correspond à celle de la population en général pour la SMA de type III (Bladen et al., 2014). Depuis 2017, un médicament est autorisé en Suisse pour le traitement des SMA (Swissmedic, 2017).

     Le rapport annuel 2018 du Swiss Registry for Neuromuscular Disorders (Kruijshaar et al., 2019) indique que, à l’heure actuelle en Suisse, 228 personnes sont recensées avec une dystrophie musculaire et 97, avec une SMA. Même si ces chiffres ne sont pas répartis par âge, on peut déduire de l’espérance de vie réduite des personnes touchées que la grande majorité d’entre elles ont moins de 25 ans.

     Il ressort d’un survol systématique des études réalisées en Europe et en Amérique du Nord que la prévalence de la dystrophie de Duchenne se situe entre 15,9 et 19,5 pour 100 000 naissances vivantes (Ryder et al., 2017), ce qui permet de conclure que tous les cas ne sont pas encore déclarés dans le registre suisse.

Anémies congénitales: bêta-thalassémie (en grec, aussi appelée anémie méditerranéenne) et sphérocytose héréditaire (maladie de Minkowski-Chauffard)


L’anémie peut être due à une carence en éléments nécessaires tels que le fer ou la vitamine B12, survenir parallèlement à une maladie chronique ou être congénitale. La bêta-thalassémie est une maladie héréditaire et congénitale caractérisée par une défaillance dans la production d’hémoglobine. Alors que les porteurs d’une bêta-thalassémie mineure passent souvent inaperçus, la bêta-thalassémie majeure est une anémie sévère qui s’accompagne, en général, de troubles de la croissance pendant la première année déjà. Les transfusions sanguines sont nécessaires tout au long de la vie, tout comme le traitement préventif contre la surcharge en fer. La sphérocytose héréditaire est l’anémie hémolytique héréditaire la plus fréquente en Europe du Nord et en Europe centrale (Eber et al., 1992; Perrotta et al., 2008). L’altération des protéines structurelles fragilise la stabilité cellulaire; les globules rouges prennent alors une forme de sphère (sphérocyte) et sont éliminés trop tôt par la rate (Michl, 2005). Si la maladie est détectée et traitée précocement, les enfants peuvent grandir avec des capacités normales et avoir une espérance de vie semblable à celle du reste de la population.

Les bêta-thalassémies sont relativement rares en Suisse. Les cas sont cependant en hausse ces dernières années, tout comme dans d’autres pays, en raison des migrations de personnes provenant de régions où la prévalence de bêta-thalassémie est élevée.

      En Suisse, la prévalence des bêta-thalassémies est de 0,4 cas pour 100 000 naissances vivantes (enerca, 2012). La fréquence des bêta-thalassémies varie fortement entre les pays et les différents groupes ethniques (enerca, 2012). Par exemple, on estime, pour 100 000 nouveau-nés, 520 cas à Chypre et 160 en Grèce. La migration a engendré une hausse globale des cas de bêta-thalassémie en Europe centrale (Kohne & Kleihauer, 2010; Kunz et al., 2016).

La sphérocytose héréditaire est l’anémie héréditaire la plus fréquente en Europe du Nord et en Europe centrale.

     L’anémie héréditaire la plus fréquente en Europe du Nord et en Europe centrale est la sphérocytose héréditaire. En Suisse, sa prévalence actuelle ne fait l’objet d’aucune étude publiée. Dans les populations majoritairement européennes, les taux de prévalence s’élèvent entre 20 et 50 cas pour 100 000 habitants (Eber et al., 1992; Michl, 2005; Morton et al., 1961; Perrotta et al., 2008).