6.9 Complications de la grossesse et naissances prématurées – conséquences sur la santé des enfants

La grossesse et l’accouchement revêtent une importance capitale pour la santé des enfants, mais influent également sur le reste de leur vie. Les explications suivantes sur les complications de la grossesse et l’accouchement l’illustrent parfaitement.

Naissance prématurée


L’OMS considère comme prématurés les enfants nés avant la 37e semaine de grossesse (OMS, 2015b). Les causes principales d’une naissance prématurée sont les infections, le manque d’apports nutritionnels par le placenta, les hémorragies, le stress et les processus immunologiques (Goldenberg et al., 2008; Romero et al., 2014). Les grossesses multiples comportent également un risque très important de naissance prématurée: dans 55% des cas, l’accouchement a lieu avant le terme (OFS, 2019b). De manière globale, la prématurité est la cause principale de mortalité et de morbidité périnatale et néonatale (OMS, 2015b).

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T6.5

     En Suisse, le taux de naissances prématurées connait un léger recul depuis une dizaine d’années (tableau T6.5) et se situe dans la moyenne européenne (OFS, 2019b; EURO-PERISTAT, 2018). D’après les données d’EURO-PERISTAT (2018), l’incidence médiane européenne des naissances prématurées en 2015 était de 7,3% et variait entre 5,4% en Lituanie et 12,0% à Chypre. Le Swiss Neonatal Network (SNN, www.swissneonet.ch) est un registre national recensant les enfants prématurés nés avant la 32e semaine de grossesse ou pesant moins de 1500 grammes à la naissance (Rüegger et al., 2012; Schlapbach et al., 2012; SwissNeoNet, 2000). Il documente également la croissance et la santé des nouveau-nés de manière longitudinale. Schlapbach et al. (2012) ont observé une hausse du taux de survie parmi les enfants extrêmement prématurés et grands prématurés entre 2000 et 2008 sans pour autant que les cas de handicaps modérés à sévères n’augmentent (Schlapbach et al., 2012).

Diabète gestationnel


Le diabète gestationnel est caractérisé par une intolérance au glucose et une insulino-résistance qui fait augmenter le taux de sucre dans le sang; il se développe pour la première fois pendant une grossesse (Buckley et al., 2012; OMS, 2016). Les mères plus âgées, celles en surpoids ou obèses, celles ayant des prédispositions à la maladie ainsi que celles ayant une prise de poids excessive durant la grossesse ont un risque plus élevé de développer un diabète gestationnel (Chen et al., 2015; OMS, 2016). Le diabète s’accompagne d’un risque accru d’accouchement par césarienne et le nouveau-né peut présenter un faible taux sanguin de sucre ou un poids trop élevé à la naissance; par ailleurs, l’enfant comme la mère ont plus de risques de développer un diabète de type 2 par la suite (Buckley et al., 2012; Chen et al., 2015). Un diagnostic précoce, une gestion efficace par le biais d’un régime et, si nécessaire, par la prise d’insuline, permet d’obtenir de bons résultats en matière de santé (Crowther et al., 2005; Landon et al., 2009).

Le diabète gestationnel présente un risque pour l’enfant à la naissance et pour le reste de sa vie. On ne dispose d’aucun chiffre représentatif pour la Suisse.

     Une étude lausannoise menée de manière prospective entre 2000 et 2002 indiquait alors une incidence de diabète gestationnel de 2,8% (Buckley et al., 2012). Par contre, sur un échantillon de 2298 femmes enceintes recensées aléatoirement à Genève et à Bâle entre 2010 et 2012, la prévalence était de 10,9% (Ryser Rüetschi et al., 2016). En Europe, des taux d’incidence en hausse situés entre 0,7% et 27,6% ont été observés (Buckey et al. 2012).

Pré-éclampsie


La pré-éclampsie est la complication médicale de la grossesse la plus répandue. Ses causes sont encore insuffisamment documentées, mais il s’agirait d’un trouble du développement du système vasculaire du placenta. La pré-éclampsie s’accompagne d’une hypertension artérielle et de la présence excessive de protéines dans l’urine; elle se développe généralement après la 20e semaine de grossesse (Bokslag et al., 2016; Ghulmiyyah & Sibai, 2012). Une complication redoutée de la pré-éclampsie est l’éclampsie, caractérisée par de fortes convulsions («grand mal») (Eiland et al., 2012).

     La pré-éclampsie et l’éclampsie sont liées à une mortalité et à une morbidité élevées pour la mère et pour l’enfant (Bokslag et al., 2016; Mosimann et al., 2017). Au niveau mondial, 10 à 15% des décès maternels sont dus à une pré-éclampsie ou à une éclampsie (Duley, 2009; Ghulmiyyah & Sibai, 2012). Pour les enfants, cette complication de la grossesse signifie souvent un trouble de croissance intra-utérine (retard de croissance) et une naissance prématurée (Mosimann et al., 2017). À long terme, les enfants de mères atteintes de pré-éclampsie ou d’éclampsie ont plus de risques de développer un diabète sucré, des maladies cardiovasculaires et de l’hypertension artérielle (Lawlor et al., 2012).

L’incidence de la pré-éclampsie est d’environ 2% en Suisse. La pré-éclampsie peut entraîner un retard de croissance intra-utérine et une naissance prématurée, et est liée à une mortalité et à une morbidité maternelle et fœtale élevées.

     Purde et al. (2015) ont publié une incidence pour la pré-éclampsie de 2,3% pour la Suisse (IC-95% = 1,6%–3,3%). La Commission assurance qualité de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique indique dans un avis d’expert une incidence de ≤ 2% (Tercanli et al., 2019). En Europe, l’incidence de la pré-éclampsie varie entre 1,5% et 9,4% (Purde et al., 2015; Roberts et al., 2011). Comparativement aux pays européens, la Suisse se trouve donc dans la moyenne basse.

Retard de croissance intra-utérine


Les fœtus touchés par un retard de croissance intra-utérine ont un poids à la naissance trop bas pour leur âge gestationnel (Miller et al., 2016; Resnik, 2002). La cause principale est une insuffisance placentaire (Kesavan & Devaskar, 2019; Song et al., 2017). Le retard de croissance intra-utérine entraîne plus souvent une naissance prématurée, des déficiences et des handicaps congénitaux moteurs, sensoriels et cognitifs ainsi qu’un décès périnatal (Baschat, 2014; Bernstein et al., 2000; Blair & Nelson, 2015; Miller et al., 2016). En outre, les nouveau-nés présentant un poids à la naissance trop bas ont plus de risques de souffrir d’hypertension artérielle, de maladie coronarienne ou de diabète à l’âge adulte (Cohen et al., 2016; Salam et al., 2014; Yzydorczyk et al., 2017). Il semblerait que l’allaitement puisse réduire ces risques (Santiago et al., 2018).

     Aucun chiffre à l’échelle du pays sur la prévalence du retard de croissance intra-utérine n’est disponible. Quelques données régionales existent cependant. En 1993 et 1994, l’Université de Lausanne a dénombré 11,7% de nouveau-nés présentant un retard de croissance intra-utérine parmi les naissances à l’hôpital (Chiolero et al., 2005). Environ dix ans plus tard, entre 2000 et 2015, Bickle, Graz et al. (2015) ont indiqué que 14,7% des enfants nés prématurément, avant la 32e semaine de grossesse, à l’hôpital universitaire de Lausanne étaient atteints d’un retard de croissance intra-utérine. Dans les pays industrialisés, Miller et al. (2016) estiment que, selon les définitions, entre 3 et 9% des enfants sont touchés par un retard de croissance intra-utérine. En revanche, dans les pays à faible revenu, les taux observés sont six fois plus élevés.

Césarienne


Des taux de césarienne trop bas ou trop élevés entraînent une fréquence plus élevée de conséquences négatives sur la santé de la mère et de l’enfant (Betran et al., 2015; Sandall et al., 2018). D’après l’OMS, un taux de césarienne de 10 à 15% permet d’obtenir les meilleurs résultats (OMS, 2015a). Les enfants nés par césarienne ne sont pas exposés aux mêmes conditions hormonales, physiques, bactériennes et médicales que les enfants nés par voie basse (Sandall et al., 2018). Par exemple, la modification du microbiote intestinal augmente le risque de développer plus tard des maladies liées au système immunitaire, telles que les allergies et l’asthme, ou de l’obésité (Blustein & Liu, 2015; Keag et al., 2018; Mesquita et al., 2013; Sandall et al., 2018; Sevelsted et al., 2015; Sevelsted et al., 2016; Tollånes et al., 2008), et s’accompagne aussi d’un risque accru de problèmes respiratoires (Indraccolo et al., 2019). De nombreux pays européens ont enregistré ces dernières décennies une hausse du nombre de naissances par césarienne (EURO-PERISTAT, 2018; König et al., 2011). Les changements socio-démographiques tels que l’âge des mères à la naissance et le nombre d’enfants n’expliquent pas complètement cette augmentation. Les autres causes possibles sont l’abaissement des seuils médicaux à partir desquel une césarienne est considérée comme indiquée, la possibilité de planifier une césarienne, le conseil néonatal et les aspects juridiques (EURO-PERISTAT, 2018; Kolip et al., 2012; König et al., 2011).

Un tiers des enfants naît par césarienne. Un accouchement par césarienne comporte des risques pour la santé de la mère et de l’enfant.

     La statistique médicale des hôpitaux recense les types d’accouchement depuis 1998. En Suisse, entre 1998 et 2007, le pourcentage d’accouchements par césarienne a constamment augmenté, passant de 22,7% à 32,2% (OFSP, 2013a). Un pic a été enregistré en 2014 (33,7%), mais le taux actuel de césarienne est de nouveau à son niveau de 2007, c’est-à-dire 32,2% (OFS, 2019c; OFS, 2018b). Les différences entre cantons sont frappantes. En 2016, le canton du Jura a enregistré le taux de césarienne le plus bas (22,1%) et celui de Zoug, le plus élevé (41,2%). En comparaison européenne, le taux de césarienne en Suisse se situe dans la moyenne supérieure (EURO-PERISTAT, 2018). En 2015 en Europe, le taux de césarienne médian s’élevait à 27,0%; l’Islande présentait le taux le plus bas (16,1%) et Chypre, le plus élevé (56,9%) (EURO-PERISTAT, 2018).