6.5 Asthme, maladies atopiques et maladies auto-immunes

Asthme et rhume des foins (rhinite allergique)


L’asthme, défini comme un rétrécissement important des bronches (obstruction), est l’une des maladies chroniques les plus fréquentes pendant l’enfance et l’adolescence. Dans environ 70% des cas, il se manifeste pour la première fois avant la cinquième année de vie (Bitzer et al., 2009). Certaines circonstances durant les premières années, notamment le tabagisme des parents, une naissance prématurée ou la pollution de l’air, ont une grande influence sur la santé pulmonaire pendant l’enfance et tout au long de la vie (Bobolea et al., 2018; Dratva et al., 2016; Martinez, 2009). L’asthme allergique est ce qu’on appelle une maladie atopique, tout comme la neurodermite et le rhume des foins (rhinite allergique). Ces maladies sont liées à une tendance héréditaire à développer des réactions d’hypersensibilité. Alors que l’asthme et la neurodermite peuvent se normaliser ou se neutraliser, les autres maladies allergiques tendent généralement à s’aggraver au cours de la vie (tableau T6.4).

En Suisse, l’asthme est l’une des maladies chroniques les plus fréquentes pendant l’enfance et l’adolescence.

     Le relevé basé sur la population d’enfants et d’adolescents le plus étendu et le plus représentatif pour la Suisse sur l’asthme et les maladies atopiques est la Swiss Study on Childhood Allergy and Respiratory Symptoms with Respect to Air Pollution, Climate and Pollen (étude SCARPOL) (Braun-Fahrländer et al., 2004; Grize et al., 2006).

     Les garçons sont légèrement moins touchés que les filles par l’asthme, dont la fréquence augmente significativement chez les enfants exposés à la fumée passive ou à une forte pollution atmosphérique (Grize et al., 2006). Dans l’étude représentative la plus récente, Swiss children’s Objectively measured Physical Activity (SOPHYA), qui analyse les comportements en matière d’activité physique, les parents rapportent une prévalence de l’asthme de 7,7% pour le groupe d’âge des 6–16 ans (Bringgolf et al., 2016) (tableau T6.4). L’ESS 2017 indique une prévalence de l’asthme de 6% chez les 15–24 ans et une fréquence de diagnostic plus élevée chez les femmes (7,3%) que chez les hommes. Les diagnostics allergiques sont mentionnés trois fois plus souvent par ce groupe d’âge (22%).

Image
T6.4
Anna a de l’asthme

Elle a douze ans lors de sa première crise d’asthme, qui se manifeste pendant un cours d’éducation physique sur le terrain de sport, au printemps. Elle fait un sprint. Soudain, sa poitrine se contracte, sa respiration devient sifflante et elle a le souffle court. Sa pédiatre l’envoie chez un spécialiste. Après un examen des fonctions pulmonaires et des tests d’allergie, le diagnostic est rapidement posé: asthme allergique. Anna est allergique au pollen de bouleau. Son père avait également eu de l’asthme pendant son enfance, mais n’a plus eu de symptômes depuis la puberté. Anna fait deux inhalations par jour, ce qui est pénible. Si elle a de la peine à respirer, elle peut utiliser un spray pour ouvrir ses voies respiratoires. Depuis, les crises sévères sont rares. En hiver, lorsque les chauffages sont tous allumés, sa peau réagit, elle est irritée et démange. Des crèmes spécifiques soulagent cet eczéma allergique.

    Une fois, elle a eu une grave crise d’asthme à l’école. Elle a été transportée aux soins intensifs. Depuis, elle ne veut plus participer aux camps avec sa classe. Pour l’aider, la pédiatre a pris le temps de lui réexpliquer, ainsi qu’à ses parents, les causes d’une crise grave et les mesures d’urgence. Le médecin scolaire a donné des instructions à l’enseignante. Entre-temps, Anna a repris confiance et participe de nouveau volontiers aux cours d’éducation physique et aux excursions. Le pneumologue pour enfants qui la suit lui recommande de pratiquer une activité sportive régulière et lui parle des camps de sport de la Ligue pulmonaire suisse. Elle apprend en compagnie d’autres enfants asthmatiques ce à quoi elle doit veiller lorsqu’elle pratique un sport. Là, elle entend parler du club d’aviron pour asthmatiques. Cela serait bien, mais l’offre n’existe pas dans sa ville. En grandissant, Anna prend de plus en plus de responsabilités vis-à-vis d’elle-même et de sa maladie. Cela n’est pas toujours facile pour elle, ni pour ses parents. Anna se sent toujours bien chez sa pédiatre et préfère repousser le passage vers un médecin pour adulte le plus longtemps possible.

            Elle se demande si ses enfants auront également de l’asthme. Elle aimerait aussi savoir si elle devra prendre des médicaments pendant toute sa vie. Elle se préoccupe de son choix professionnel. Elle discute avec un conseiller en orientation pour savoir si le métier de laborantine, son rêve, est compatible avec sa maladie. De nombreuses questions restent sans réponse.

Maladie cœliaque


La maladie cœliaque est une inflammation de l’intestin causée par une réaction immunitaire au gluten dans l’alimentation chez les personnes prédisposées génétiquement (Garnier-Lengliné et al., 2015). Le diagnostic de maladie cœliaque est confirmé par une biopsie intestinale (échantillons de la muqueuse) et s’accompagne d’une mortalité élevée si elle n’est pas traitée (Rubio–Tapia et al., 2009). Les symptômes peuvent être très variés (Keller, 2003).

Les données d’étude laissent supposer une prévalence en Suisse de tout juste 1% d’enfants atteints de la maladie cœliaque.

Pour la maladie cœliaque symptomatique, on ne dispose que de données anciennes datant de 1982 (Van Stirum et al., 1982). Des études régionales plus récentes (Rutz et al., 2002) ont recherché parmi des élèves de niveau secondaire dans le canton de St-Gall des cas de maladie cœliaque asymptomatique ou peu symptomatique et ont obtenu une prévalence de 750 sur 100 000 élèves. Au niveau international, les taux de prévalence varient fortement selon les zones géographiques et les groupes d’âge, notamment parce que l’exposition au gluten et les dispositions génétiques sont très différentes (Mariné et al., 2011). Cela signifie que les données européennes ne peuvent être utilisées à des fins de comparaison que de manière limitée pour combler le manque de données de prévalence représentatives et fiables en Suisse (Brunner & Spalinger, 2005).

Arthrite juvénile idiopathique


L’arthrite juvénile idiopathique (AJI) est une maladie articulaire chronique qui apparaît avant l’âge de 16 ans, dure au minimum six semaines et dont la cause est inconnue (Petty et al., 2004). Selon la forme de la maladie, les signes cliniques sont notamment des inflammations des articulations, de la fièvre, une atteinte de la peau et des douleurs (Minden & Niewerth, 2008).

En Suisse, environ 80 enfants et adolescents sur 100 000 souffrent d’arthrite juvénile idiopathique.

     En Suisse, le Swiss Pediatric Rheumatology Registry existe depuis 2004. Entre 2004 et 2012, le registre a recensé 4631 patients, avec un âge moyen d’apparition de la maladie de 7,8 ans. En s’appuyant sur ces chiffres, le registre a mesuré une prévalence pour les enfants et les adolescents de Suisse de 80 sur 100 000 et une incidence de 10 sur 100 000 (Roethlisberger et al., 2015). En outre, on observe que la prévalence en Suisse varie selon les régions et que les filles ont presque deux fois plus de risques de développer une arthrite rhumatoïde que les garçons. Les taux de prévalence suisses sont nettement plus élevés que les taux relevés en Europe (Thierry et al., 2014).

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin: maladie de Crohn et rectocolite hémorragique


La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique sont les deux formes les plus fréquentes des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Chez 25% des personnes touchées par une MICI, la maladie se manifeste déjà pendant l’enfance ou l’adolescence (Benchimol et al., 2011). Diverses causes de MICI sont connues, telles que les processus immunologiques, les facteurs environnementaux et les prédispositions génétiques (Juillerat et al., 2008). Un début précoce de la maladie de Crohn (< 10 ans) est deux fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles (Herzog et al., 2017). De manière générale, la maladie s’aggrave avec l’âge (Pittet et al., 2009). Les patients atteints de MICI souffrent très souvent (78% des cas) d’une comorbidité au minimum (Bähler et al., 2017). Les jeunes atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ont nettement plus de risques d’être atteints d’un cancer que ceux qui développent plus tard la maladie (Olén et al., 2017).

En Suisse, l’incidence des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin augmente.

     Globalement, la qualité des données sur les MICI touchant les enfants et les adolescents en Suisse est bonne. En se basant sur les données des assurances (graphique G6.3), il a été possible d’extrapoler la prévalence de MICI chez les enfants et les adolescents de 1 à 17 ans (Bähler et al., 2017). Entre 2010 et 2014, les chiffres indiquent une hausse chez les filles et un recul chez les garçons (Bähler et al., 2017). La prévalence est plus élevée en Suisse allemande et dans les zones urbaines. Le statut d’assuré privé est associé à une prévalence plus élevée (Bähler et al., 2017). Alors que les données des assurances-maladies montrent une prévalence stable jusqu’en 2014 (graphique G6.3), l’étude Swiss inflammatory bowel diseases cohort study (SIBDCS) indique des chiffres en hausse. Cette cohorte inclut depuis 2008 les cas pédiatriques et confirme l’incidence globale en hausse des MICI chez les enfants et les adolescents. Ainsi, entre 1980 et 1989, 28 patients âgés de moins de 18 ans ont été répertoriés avec la maladie de Crohn, entre 1990 et 1999, ils étaient 42 et entre 2000 et 2009, 110, presque trois fois plus. Toutefois, cette augmentation peut être rapportée, du moins en partie, à une meilleure sensibilisation et à davantage de tests (Braegger et al., 2011).

     Des analyses de séries temporelles ont indiqué que l’incidence a augmenté à l’échelle mondiale, mais s’est stabilisée en Europe. Elle est en hausse notamment dans les régions d’Asie, du Proche-Orient et d’Afrique (Sýkora et al., 2018).

Image
G6.3
Andreas a la maladie de Crohn

Il était âgé de douze ans lorsque son développement a soudainement été différent de celui de ses camarades. Alors que les autres garçons de sa classe ont connu une poussée de croissance, lui n’a plus grandi. À 13 ans, ses parents l’ont fait examiner par le pédiatre, car il se plaignait souvent de maux de ventre. Il avait perdu du poids et n’allait pas bien psychiquement. Comme il était devenu le plus petit de sa classe, il était souvent la cible de moqueries.

    Le pédiatre a détecté une valeur élevée indiquant une inflammation dans le sang. Comme l’anamnèse faisait suspecter une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, le médecin a recommandé un examen de l’épithélium intestinal. Il en est ressorti que plusieurs parties de l’intestin étaient enflammées; il s’agit de symptômes typiques de la maladie de Crohn.

    Aujourd’hui, Andreas a 17 ans et va au gymnase. Sa maladie progresse par à-coups. Parfois, il ne la remarque pas, et ensuite, elle revient avec force. S’il a des crampes intestinales, Andreas doit aller très souvent aux toilettes, entre 10 et 20 fois; et il y a du sang dans les selles. En raison de ces hémorragies, il est souvent fatigué et démotivé. Il a des difficultés à se concentrer à l’école. Son professeur est au courant, mais pas ses camarades. Andreas a honte. Sa maladie retarde sa puberté. Andreas aimerait bien sortir avec des filles, mais il est trop timide. Il ne s’aime pas et n’aime pas son corps. Pendant une phase aigüe, il se retire et préfère rester seul. Sa mère se fait du souci, car il a peu d’amis. Elle lui a suggéré d’intégrer une association sportive. Le médecin leur a dit que pratiquer un sport, avec modération, avait un effet positif sur la maladie.

            Andreas sait que sa maladie est incurable. Les possibilités de traitement consistent en différentes thérapies médicamenteuses. Ce sont les corticostéroïdes qui fonctionnent le mieux chez Andreas. Cependant, l’arrêt de la croissance est un effet secondaire possible. Andreas a modifié son alimentation avec l’aide d’une diététicienne et va une fois par mois chez une psychologue. Ce rendez-vous l’aide à améliorer son image de lui et à s’accepter. Les poussées de la maladie resteront un obstacle dans sa vie professionnelle et familiale. En outre, il a plus de risques de développer un cancer de l’intestin, c’est pour cela qu’il doit subir une coloscopie de contrôle tous les un à deux ans.